lundi 5 avril 2021

Jean de La Fontaine. Fable

 Jean de La Fontaine.
Fable 



LE BASSA (1) ET LE MARCHAND

     Un Marchand grec en certaine contrée
     Faisait trafic. Un Bassa l'appuyait ;
     De quoi le Grec en Bassa  le payait,
     Non en Marchand : tant c'est chère denrée
     Qu'un protecteur. Celui-ci coûtait tant,
     Que notre Grec s'allait partout plaignant.
    Trois autres Turcs d'un rang moindre en           puissance
     Lui vont offrir leur support en commun.
     Eux trois voulaient moins de reconnaissance
     Qu'à ce Marchand il n'en coûtait pour un.
     Le Grec écoute : avec eux il s'engage ;
     Et le Bassa du tout est averti :
     Même on lui dit qu'il jouera, s'il est sage,
     A ces gens-là quelque méchant parti, 
     Les prévenant  , les chargeant d'un message
     Pour Mahomet, droit en son paradis,
     Et sans tarder. Sinon ces gens unis
     Le préviendront, bien certains qu'à la ronde
     Il a des gens tout prêts pour le venger.
     Quelque poison l'envoira protéger
     Les trafiquants qui sont en l'autre monde.
     Sur cet avis le Turc se comporta
     Comme Alexandre ; et plein de confiance
     Chez le Marchand tout droit il s'en alla ;
     Se mit à table : on vit tant d'assurance
     En ses discours et dans tout son maintien,
     Qu'on ne crut point qu'il se doutât de rien.
     Ami, dit-il, je sais que tu me quittes ;
     Même l'on veut que j'en craigne les suites ;
     Mais je te crois un trop homme de bien :
     Tu n'as point l'air d'un donneur de breuvage.
     Je n'en dis pas là-dessus davantage.
    Quant à ces gens qui pensent t'appuyer,
    Ecoute-moi. Sans tant de dialogue,
    Et de raisons qui pourraient t'ennuyer,
   Je ne te veux conter qu'un apologue.
 Il était un Berger, son Chien, et son       troupeau.
Quelqu'un lui demanda ce qu'il prétendait faire
 D'un Dogue de qui l'ordinaire
Était un pain entier. Il fallait bien et beau
Donner cet animal au Seigneur du village.
 Lui Berger pour plus de ménage
 Aurait deux ou trois Mâtineaux,
Qui lui dépensant moins veilleraient aux troupeaux
  Bien mieux que cette bête seule.
Il mangeait plus que trois : mais on ne disait pas
  Qu'il avait aussi triple gueule
 Quand les Loups livraient des combats.
Le Berger s'en défait : il prend trois Chiens de taille
A lui dépenser moins, mais à fuir la bataille.
Le troupeau s'en sentit, et tu te sentiras
Du choix de semblable canaille.
Si tu fais bien, tu reviendras à moi.
Le Grec le crut. Ceci montre aux Provinces
Que, tout compté mieux vaut en bonne foi
S'abandonner à quelque puissant Roi,
Que s'appuyer de plusieurs petits princes.


*  
 Pacha, ou gouverneur de province chez les Turcs


 





ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?

 

ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?



dimanche 4 avril 2021

Jean de La Fontaine Fable L'AVARE QUI A PERDU SON TRESOR

 


Jean de La Fontaine

Fable 




L'AVARE QUI A PERDU SON TRESOR



L'usage seulement fait la possession.
Je demande à ces gens de qui la passion
Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,
Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme.
Diogène là-bas  est aussi riche qu'eux,
Et l'avare ici-haut  comme lui vit en gueux.
L'homme au trésor caché qu'Esope nous propose,
            Servira d'exemple à la chose.
                Ce malheureux attendait,
Pour jouir de son bien, une seconde vie ;
Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait.
Il avait dans la terre une somme enfouie,
        Son coeur avec, n'ayant autre déduit 
            Que d'y ruminer jour et nuit,
Et rendre sa chevance  à lui-même sacrée.
Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât,
On l'eût pris de bien court , à moins qu'il ne songeât
A l'endroit où gisait cette somme enterrée.
Il y fit tant de tours qu'un Fossoyeur  le vit,
Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire.
Notre avare, un beau jour ne trouva que le nid.
Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire.
            Il se tourmente, il se déchire.
Un passant lui demande à quel sujet ses cris.
            C'est mon trésor que l'on m'a pris.
 Votre trésor ? où pris ? Tout joignant  cette pierre.
             Eh sommes-nous en temps de guerre
Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait
De le laisser chez vous en votre cabinet,
            Que de le changer de demeure ?
Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.
 A toute heure, bons Dieux ! ne tient-il qu'à cela ?
            L'argent vient-il comme il s'en va ?
Je n'y touchais jamais.  Dites-moi donc, de grâce,
Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant,
Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent :
            Mettez une pierre à la place,
            Elle vous vaudra tout autant .


Morale :

L'usage seulement fait la possession. Je demande à ces gens de qui la passion  Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme,  Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme

ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?

 

ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?





Le Chat par Philippe Geluck

 

Le Chat par Philippe Geluck 

C'est comme il a dit lui !



vendredi 2 avril 2021

ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?

 

ET VOUS TROUVEZ CELA DROLE ?



Jean de La Fontaine Fable L'AVANTAGE DE LA SCIENCE

 Jean de La Fontaine 

Fable





 L'AVANTAGE DE LA SCIENCE


            Entre deux Bourgeois d'une Ville
            S'émut jadis un différend.
            L'un était pauvre, mais habile,
            L'autre riche, mais ignorant.
            Celui-ci sur son concurrent
            Voulait emporter l'avantage :
            Prétendait que tout homme sage
            Était tenu de l'honorer.
C'était tout homme sot ; car pourquoi révérer
            Des biens dépourvus de mérite ?
            La raison m'en semble petite.
            Mon ami, disait-il souvent
                              Au savant,
            Vous vous croyez considérable ; 
            Mais, dites-moi, tenez-vous table ? 
Que sert à vos pareils de lire incessamment ? 
Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de Juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout Laquais leur ombre seulement.
            La République a bien affaire
            De gens qui ne dépensent rien :
            Je ne sais d'homme nécessaire
Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait : notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,
Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez
            À Messieurs les gens de finance
            De méchants livres bien payés.
            Ces mots remplis d'impertinence
            Eurent le sort qu'ils méritaient.
L'homme lettré se tut, il avait trop à dire.
La guerre le vengea bien mieux qu'une satire.
Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient.
            L'un et l'autre quitta sa ville.
            L'ignorant resta sans asile ;
            Il reçut partout des mépris :
L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle.
            Cela décida leur querelle.
Laissez dire les sots ; le savoir a son prix.

Morale :
Laissez dire les sots ; le savoir a son prix.
Charlatans, faiseurs d'horoscope,
Quittez les Cours des Princes de l'Europe ;

Le Chat par Philippe Geluck

 

Le Chat par Philippe Geluck 

C'est comme il a dit lui !

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