Fable Jean de La Fontaine.
LE SATYRE ET LE PASSANT
Au fond d'un antre sauvage
Allaient manger leur potage,
Et prendre l'écuelle aux dents (1).
On les eût vus (2) sur la mousse,
Lui, sa Femme, et maint Petit ;
Ils n'avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit .
Pour se sauver de la pluie,
Entre un Passant morfondu.
Son H ôte n'eut pas la peine
De le semondre (3) deux fois.
Il se réchauffe les doigts .
Puis sur le mets qu'on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Notre hôte, à quoi bon ceci ?
L'un refroidit mon potage;
L'autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le Sauvage,
Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous même toit !
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid (4)!"
(1) ils mangent sans cuiller, de façon rustre et avec appétit
(2) on aurait pu les voir
(3) prier avec insistance,
(4) ceux qui sont "doubles", dont l'attitude est ambiguë