mardi 25 janvier 2022

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT jean de la Fontaine

 

  • LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT

                Esope conte qu'un Manant, 
                Charitable autant que peu sage,
                Un jour d'hiver se promenant
                A l'entour de son héritage, 
    Aperçut un Serpent sur la neige étendu,
    Transi, gelé, perclus, immobile rendu,
                N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
    Le Villageois le prend, l'emporte en sa demeure;
    Et, sans considérer quel sera le loyer 
                D'une action de ce mérite,
                Il l'étend le long du foyer,
                Le réchauffe, le ressuscite.
    L'animal engourdi sent à peine le chaud,
    Que l'âme lui revient avecque la colère.
    Il lève un peu la tête et puis siffle aussitôt,
    Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
    Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père.
    Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire ?
    Tu mourras. A ces mots, plein d'un juste courroux,
    Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête;
                Il fait trois serpents de deux coups,
                Un tronçon, la queue et la tête.
    L'insecte sautillant, cherche à se réunir,
                Mais il ne put y parvenir.
                Il est bon d'être charitable,
                Mais envers qui ? c'est là le point.
                Quant aux ingrats, il n'en est point
                Qui ne meure enfin misérable.

     

     





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